Amoureuse

 ⏎

La Renaissance est un défi insurmontable pour toutes les générations de sculpteurs qui considèrent avec émerveillement ce sommet de la statuaire. Donatello, Verrocchio, Di Duccio, Da Settignano et bien d’autres ont porté la sculpture vers des sommets. Au delà de l’excellence technique, ces sculptures nous confronte à l’expérience du beau, pour ne pas dire du sublime. Mais qu’est-ce que le beau? D’où nous vient l’émerveillement?
Ces questions sont presques taboues désormais, tant est ancrée l’idée que la perception du beau n’est jamais que la fameuse question « des goûts et des couleurs de chacun ». D’un point de vue objectif nous sommes portés à penser  que le beau n’existe pas, la perception du beau  ou du laid est nécessairement partiale, elle est relative à un contexte culturel et à des histoires individuelles.  Pour ces raison et pour bien d’autres encore, la notion de beaux arts est désormais suspecte, elle semble appeler à des valeurs dépassées, voire réactionnaires.  Il semble bien que la beauté formelle soit désormais exclue des problématiques de l’art contemporain, la modernité la reléguant au rayon des mièvreries du temps passé. Pourtant nous ne pouvons nous empêcher de trouver qu’une sculpture de la renaissance est belle, ou qu’un jeune homme  ou une jeune femme amoureuse sont beaux. Une émotion passe entre eux, et nous, ils dégagent quelque chose qui nous touche, mais qu’est ce que c’est? Cette question je me la pose au travers d’un sculpture.
Mais  il nous faut bien nous poser aussi cette question d’un point de vue philosophique… Les neuro-scientifiques comme Antonio Damasio ou Jean-pierre Changeux, des ethologues comme Frans de Vaal  nous apportent un éclairage nouveau sur cette question: ils nous disent que la faculté d’éprouver le sentiment du beau, du bon ou du bien, nous est naturelle. Cela ne veux pas dire bien sûr que notre histoire, notre culture ne modifient pas cette faculté naturelle! Cela ne veux pas dire que le beau est naturel, et donc universel! Cela veux dire simplement que nous cultivons une faculté naturelle, une faculté que nous partageons avec les grands singes les maifères les plus évolués et peut-être même avec les oiseaux! Et ça change tout…
Les perceptions du beau, du bon ou du bien expriment la saveur des relations que nous entretenons avec des êtres vivants, des objets, des situations, des paysages. La perception du bon, de l’agréable, du beau ou du bien expriment une certaine  connivence entre nous et le monde, comprendre la beauté des choses ou exprimer la beauté c’est cultiver une relation d’intelligence avec un être ou une chose.
Cette question est centrale pour moi, en fait elle pose la question de la relation au public. Lorsque le grand Léonard exposait ses cartons, la populace venait en foule les admirer. Qu’en est-il aujourd’hui? Le prêt-à-penser de l’art contemporain nous enseigne que le génie est incompris, l’artiste doit être solitaire, exclu, au dessus des foules pour prétendre à une consécration post-mortem, une rédemption. Mais cette vision d’Epinal le conduit à adopter une attitude conflictuelle avec un public présumé incapable de comprendre. En fait il y a un divorce entre le public et de larges pans de l’art contemporain. Peut-être faudrait-il en sortir enfin et se reposer des question essentielles, des questions hors du temps, des questions auxquelles retournaient les artistes de la Renaissance en se penchant sur l’art de l’antiquité?
Bronze 17 cm Fonderie de Portonville.
Patines, Pascal Lelay.
Photographies, Mustapha Azéroual.
Sculpture VINCENT.
Sculpture exposée actuellement Galerie Bréhéret à Paris